(6) – Vatican. La cité interdite

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0-plaque-vatican«Mini» est arrivée au seul pays de son périple dans lequel elle ne pourra pas entrer. Le plus petit pays au Monde, une monarchie absolue qui n’existe que depuis les accords de Latran de 1929, mais un pays d’où l’on régit la vie spirituelle de plus de 1,2 milliards de catholiques de par le monde.

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Noms officiels : Status Civitatis Vaticanæ, Stato della Città del Vaticano / Superficie : 0,44 km2 / Point culminant : 75 m / Point le plus bas : 19 m / Population : 840 / Densité de population : 1 900 personnes/km2 / Langues : italien, latin, français, allemand / Monnaie : euro

Faire un reportage sur les mini-États d’Europe n’est pas aussi simple que de prendre sa vieille 4CV et faire un tour du monde… Il faut prendre des rendez-vous, demander des autorisations, se préparer, mettre une cravate dans ses bagages “au cas où…” Côté complexité, un État se distingue singulièrement. Le Saint-Siège est une cité interdite, ou presque, aux photographes. Pour faire un sujet sur le Vatican il faut être accrédité comme journaliste au Vatican et/ou être pistonné par un prélat et/ou travailler pour une maison d’édition catholique et/ou travailler pour un organe d’info du Vatican. En tout état de cause faire un livre/film exclusivement consacré au Vatican.

C’est dire que j’étais mal barré avec mon idée saugrenue de faire un reportage sur les mini-États d’Europe en “Mini” et d’y inclure cet état microscopique ! Au début, je rêvais encore… Dans une lettre adressée au service de presse du Vatican en février 2014, ébloui par la simplicité et la popularité du Pape François, et sans doute un peu ingénu, j’osais encore écrire : « Puisque ma petite Mini est le fil rouge qui relie les mini-États, j’aimerais bien pouvoir faire une photo de la voiture sur la Place Saint-Pierre et devant la Gare Vaticane, au besoin très tôt le matin, quand il y a encore très peu de visiteurs. » Et, emporté par mon élan, je poursuivais : « J’ai un désir spécial : le Pape François accepterait-il de me rencontrer, ne serait-ce qu’une minute, pour une photo avec sa vieille Renault 4L que lui avait offert le Père Renzo Rocca, et ma vieille Mini ? »

 

20150525-3681La requête d’un fou. Au service de presse, on a dû me prendre pour un illuminé ! Toujours est-il qu’on n’a jamais daigné me répondre… Dix mois plus tard, je m’adresse en des termes plus ou moins similaires au “Conseil Pontifical pour les Communications Sociales”. On m’a fait comprendre que toute requête pour faire des photos à l’intérieur du Saint-Siège doit passer par là. Leur tâche est de filtrer les demandes et de faire parvenir ceux qui paraissent recevables aux autorités vaticanes compétentes pour régler les détails pratiques… et financiers. Au CPCS on ne semble pas avoir été amusé par ma demande peu usuelle. Après moins de seize jours on me fait savoir que «nous apprécions votre intérêt dans l’État de la Cité du Vatican et votre proposition de l’inclure dans votre projet. Nous sommes obligés de vous informer, cependant, qu’en raison de la nature particulière du Saint-Siège en tant qu’entité morale régissant la Cité du Vatican, et les questions de sécurité limitant l’accès à son territoire, l’autorisation de photographier et de filmer sur le territoire du Vatican est strictement limité et il soulève des questions juridiques complexes concernant les droits d’auteur et de distribution. Nos procédures nous permettent de donner la permission exclusivement à des projets scientifiques, historiques ou artistiques particulières, visant à informer le public sur la mission religieuse et morale du Saint-Siège et de son patrimoine spirituel. Par conséquent, nous sommes désolés de vous informer que nous ne sommes pas en mesure de vous aider avec votre demande. […] Nous suggérons cependant que vous envisagiez la possibilité d’acheter des documents photographiques sur l’Etat du Vatican à partir des archives photographiques des Musées du Vatican. Nous serions éventuellement en mesure de vous faciliter la prise de vues Place Saint-Pierre. Toutefois, le stationnement de votre Mini à l’intérieur de la place n’est pas envisageable. Merci encore pour votre demande et votre intérêt, pour lesquels nous tenons à vous souhaiter un bon succès.

 

Deux clefs.  La dernière phrase me paraît un peu cynique. On me souhaite du succès après m’avoir égrené tout un chapelet de refus… Le Pape François n’a pas encore réussi à faire la révolution au Vatican, qui reste un État protégée par le secret et qui n’a aucun besoin de transparence. Un mini-État régi par une bureaucratie plutôt opaque. Je comprends mieux les deux clefs dans les armoiries du Vatican maintenant : le pays semble être fermé à double tour !

 

20150525-3548Tous azimuts.  Pourtant, pour moi, il est inconcevable de laisser tomber le plus petit État du monde dans mon reportage sur les mini-États… Mais comment sortir de ce piège ? J’en parle à des amis. J’écoute les conseils. Je m’informe sur Internet. Je m’adresse, par courrier, par mail, par téléphone, et parfois en les rencontrant, à, en vrac, un Légionnaire du Christ, un Archevêque Émérite, un Ambassadeur au Vatican, des Monseigneurs et des Monsignori. Je vais jusqu’à me déplacer en audience chez le Nonce du Pape à Bruxelles. En vain. Tous me disent, dans les termes les plus aimables et les plus courtois, qu’il me faudra beaucoup de patience, qu’il faudra du temps. Un peu dur à entendre, sachant que j’ai commencé mes démarches il y a plus de quinze mois !

 

20150525-3529Un ultime espoir.  C’est alors qu’un homme d’église plein de bonne volonté m’écrit une lettre de recommandation, avec laquelle je me présente au Conseil Pontifical pour les Communications Sociales le 26 mai, un jour après mon arrivée à Rome. Le Conseil est situé Via della Conciliazione, ce qui semble être de bon augure… Y a-t-il encore de l’espoir ? La lettre fait merveille. Au bout de dix minutes d’attente dans des fauteuils confortables recouverts de velours vert, voilà le responsable du Conseil, Monseigneur C. en personne, un homme au visage rond et aimable, accompagné d’une jeune femme avec des lunettes sévères. Sans doute celle qui m’a dit “Impossible” en 250 mots il y a plus de quatre mois maintenant. Une fois de plus, on m’assure que cela sera difficile d’aboutir en l’espace de quelques jours. Madame R. précise que de toute façon, il me faudrait signer un contrat avec le “Governatorato” stipulant quelle part du gâteau reviendrait au Vatican en cas de publication. Ils voudront tout savoir : nombre de pages, nombre de photos, nombre d’exemplaires imprimés, prix de vente. J’introduis un nouveau dossier le jour même – surtout ne pas perdre de temps ! Le lendemain je reçois la réponse suivante : « Dear  Dr Steven Weinberg, Thank you for your e-mail message with the information required. Mgr. C. has submitted your request to the Governatorato, we hope to receive an answer soon. Kind Regards.» *)

20150525-3662En attendant, j’ai déjà fait pas mal de photos… Aurai-je la possibilité et le droit de me servir un jour de mes propres images ? J’attends le miracle ! Priez pour moi !

*) Réponse reçue le 2 juillet 2015, à Malte, 37 jours après avoir introduit ma demande. C’est définitif : «Non, vous ne pourrez pas faire vos photos. Mais vous pouvez nous les acheter». Pauvre Vatican…

 

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